02 mars 2014

L'Ukraine, nouvelle frontière de l'Europe

C'est au moins l'un des mérites de la crise actuelle  :  nous faire comprendre que l'Union Européenne s'étend jusqu'à l'Ukraine. Ce pays voisin de la Pologne a bien une frontière commune avec l'Europe des 28. Sans doute beaucoup de citoyens européens l'ignoraient-ils jusqu'à présent. L'Ukraine, vu de Bruxelles, Lisbonne, Paris ou Rome cela parait loin, abstrait, exotique. Un satellite de la Russie, un pays froid, inconnu, qui échappe au monde européen connu. Depuis que les manifestants ukrainiens déferlent soir après soir sur nos téléviseurs la donne change peu à peu. Ces manifestants étaient prêts à payer de leur vie leur opposition au régime pro-russe, et nous affirmaient leur désir d'Europe (un désir relatif, reconnaissons-le, on n'est pas sûrs que nous parlons tous de la même Europe, mais pour eux tout ce qui les éloigne de la Russie est un aimant aimable,  les symboles se passent des  nuances et des détails). Un engouement et une motivation qui laissent béats d'admiration des citoyens des états membres aux prises avec la  récession ou la crise bancaire et qui ont bien du mal à se mobiliser autour des prochaines élections européennes.
Ce dimanche c'est un deuxième choc qu'encaissent les européens. Les soldats russes sont entrés en Crimée, cette république autonome du sud de l'Ukraine, la flotte ukrainienne fait sécession, on rappelle les réservistes. Le bruit des préparatifs de la guerre résonnent à nos oreilles, et c'est bien aux portes de l'Europe que cela se passe. En Pologne, en Roumanie, en Hongrie, en Slovaquie on s'inquiète. Si la guerre éclate ce sont bien des pays de l'Union qui accueilleront les réfugiés. Ce sont bien des pays de l'Union qui devront surveiller leurs frontières. Ce sont bien des pays de l'Union dont l'économie risque de chanceler. Mais l'Ukraine n'est pas qu'une frontière géographique, elle est aussi le symbole des limites d'une Europe qui n'aspire qu'à être un grand marché. L'union est un nain militaire, un pôle  diplomatique de surface moyenne,  une fédération  inachevée  d'Etats dont le projet politique est d'être tout sauf une nation et au final n'est guère impressionnante pour les réelles puissances  que sont la Russie, les États-Unis ou la Chine. La veritable frontière de l'Europe est celle de ce manque d'ambition.
Ce dimanche soir l'OTAN, dont l'Ukraine et la Russie sont des Etats partenaires à défaut d'être membres,  enverra un probable message de fermeté à Vladimir Poutine. Lundi  les ministres des affaires étrangères de l'Union Européenne tenteront (ce n'est pas sur, tant l'Europe a souvent du mal à parler d'une seule voix) de faire de même. La guerre à nos frontières. Voici une belle leçon à nos démocraties occidentales, à ces citoyens désabusés , ou à leurs dirigeants préoccupés uniquement de performance économique : l'Europe reste un continent morcelé, composé de peuples distincts et parfois instables. Et oui, alors que nous celebrons le centenaire de la grande guerre, la paix mérite d'être un projet politique. En Europe comme partout ailleurs, elle  n'est pas acquise.

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