24 août 2014

Le cadre de l'interview


















C'est une image furtive, au milieu d'un reportage de Télé Bruxelles. Dominique Dufourny accorde une interview sur les problèmes de sécurité dans le quartier Matongé à Ixelles. Derrière elle, la rotonde de la maison communale. Le batiment est immédiatement reconnaissable pour tout Ixellois qui se respecte, vous trouverez son histoire prestigieuse ici.

Un œil politiquement averti décodera facilement  cette image. Evidement le cadre n'est pas choisi au hasard. Dominique Dufourny aurait pu accorder l'interview dans son bureau, ou mieux encore, dans le quartier Matongé, qui est l'objet du reportage. En choisissant de se placer devant la rotonde qui accueuille les réunions du conseil communal, l'échevine lie son image à celle du batiment. Subtilement elle nous fait passer le message : la maison communale est son biotope, la commune d'Ixelles et Dufourny ne font qu'un. Pour les non-initiés à la politique locale Ixelloise, un petit rappel s'impose : Dominique Dufourny est première échevine, en charge de l'Etat-civil, du commerce  et des sports. Rien à voir donc avec la sécurité. Elle s'exprime  donc ici en tant que "suppléante" du bourgmestre Willy Decourty (PS) parti à l'étranger.

Le communiqué de presse sur cette problématique de Matongé  est d'ailleurs sans ambiguïté : il présente Dominique Dufourny comme "bourgmestre faisant fonction" et ne fait aucunement référence à sa qualité d'échevine. Si le terme "faisant fonction" renvoie d'ordinaire à un bourgmestre qui remplace un collègue devenu ministre, il prend ici une tout autre saveur. À l'issue de l'élection communale de 2012 Willy Decourty et Dominique Defourny se sont en effet " partagé" le maiorat : 2013-2015 pour le premier, 2016-2018 pour la seconde. En profitant des vacances pour se mettre dans la peau du premier magistrat Dominique Dufourny prend un peu d'avance et marque son territoire.     

Cette "technique du cadre" est un artifice de communication que maîtrise bien la plupart des politiques, parfois même inconsciemment : dis-moi quel décor tu choisis, je te dirais quelles sont tes ambitions. Ainsi, lorsque Laurette Onkelinx confirme officiellement qu'elle est candidate la première fois à Schaerbeek elle donne rendez-vous aux équipes de télé qui veulent l'interroger au parc Josaphat (et surtout pas à son cabinet ministériel), peu avant de devenir bourgmestre Jean-Michel Javaux accordait des interviews dans son jardin d'Amay, Charles Michel s'exprime volontiers depuis Wavre, et Olivier Maingain reçoit la presse au premier étage de la maison communale de Woluwe-Saint-Lambert. Dans la grande bataille de la communication politique, associer son image à un lieu c'est renforcer son ancrage local et garantir ses chances de conquérir/conserver son bastion. 

Revenons à Ixelles. Il y a quelques années je devais recueillir une réaction de Daniel Ducarme, alors personnage influent des  libéraux bruxellois et censé habiter Schaerbeek, où il est élu communal . Nous convenons par téléphone d'un rendez-vous. Quel endroit ? "Attendez je réfléchis". Ce sera finalement devant les étangs d'Ixelles. L'homme veille à ce que ces étangs soient derrière lui pour que ce soit  "joli" dit-il,  en réalité il souhaite surtout que l'endroit soit bien reconnaissable. Une fois la camera débranchée je lui demande s'il a choisi ce lieu par hasard ? "Vous savez bien que non". Daniel Ducarme, qui venait d'être blanchi dans un dossier fiscal, venait de me confirmer qu'il envisageait de faire son retour à Ixelles. La maladie en dédidera autrement. 

En choisissant les étangs pour arrière-plan Ducarme voulait faire passer l'idée qu'il était Ixellois. Dix ans plus tard,  en optant pour la maison communale, Dominique Dufourny est un cran plus haut : elle veut nous faire comprendre qu'elle est, déjà,  la première des Ixelloises. 





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