08 septembre 2014

Quels mots pour parler de Mehdi Nemmouche et consorts ?

De Mehdi Nemmouche nous connaissions deux photos. La première, prise par les caméras de surveillance du musée juif de Bruxelles. Casquette devant les yeux, arme à la main, sac sur le dos. La seconde diffusée par la police française après son arrestation. Photo bien en face, genre carte d’identité, cheveux courts, oreilles bien dégagées, regard fier, visage fermé. Un jeune homme en colère comme il en existe  dans les banlieues françaises ou dans certains quartiers de Bruxelles.
 
Depuis ce weekend on sait que Mehdi Nemmouche lorsqu’il se trouvait en Syrie faisait de temps à autre office de gardien de prison. Pas le gardien débonnaire qui reste devant la porte et qui vous balance de temps à autre une ration d’eau. Non, le genre à venir vous tabasser. La séance de torture commençait le soir, elle s’achevait avec la prière du matin témoigne l’une de ses victimes.  Des cris, des coups, de la violence gratuite, sauf que ce n’est pas du cinéma.
Ce matin on apprend dans le journal Libération que Nemmouche était rentré en Europe avec l’idée de commettre un attentat à Paris lors du défilé du 14 juillet. Le musée juif de Bruxelles n’était pour lui qu’une répétition avant un carnage de plus grande ampleur encore sur les Champs Elysées.
L’affaire nous heurte. D’abord elle nous rappelle qu’une photo n’est rien. Seuls les témoignages, les mots qu’on met derrière, l’émotion qui transparait nous expliquent l’horreur. L’image seule ne donne pas toujours sens à l’actualité.
Ensuite on ne peut s’empêcher de se demander combien de Mehdi Nemmouche risquent de revenir ?  Français, allemands, belges, ils sont plusieurs centaines de jeunes européens à avoir rejoint l’Etat Islamique (rien que pour la Belgique on parle de 200 personnes au moins, y compris des femmes et des enfants). Ces djihadistes voudraient qu’on les appelle combattants. N'ayons pas peur de leur répondre que l'appellation est usurpée.  Alors que nous fêtons les 70 ans de la libération ou le centenaire de 14/18 il est utile de rappeler qu’un combattant n’est ni un terroriste ni un tortionnaire. Les viols, les persécutions religieuses, les images de pendaison, de décapitation qui nous parviennent, ne sont pas l’oeuvre de combattants. Ce  sont des actes de brutes, de barbares. De fous de Dieu comme ils s’appellent plus proches de la folie que de Dieu.  S’exprimer par la parole plutôt que par la force c’est le début de l’humanité, et ce devoir d’humanité s’impose à tous, en particulier lorsqu'on se croit croyant. Les musulmans les plus pieux ne me contrediront pas.
 
Ce matin on apprend qu’Iliass Azaouaj aurait été décapité en Syrie. Ce jeune prédicateur parti d’Anderlecht aurait été soupçonné d’être un infiltré. Un espion parmi les djihadistse, mais surtout un jeune musulman décapité par d’autres jeunes qui se disent aussi musulmans. Là un second point de vocabulaire s’impose. Un Etat protège les siens, assure la prospérité et la justice. Ce n’est pas ce dont on parle ici. L’Etat Islamique n’est rien d’autre qu’une zone de non-droit, un territoire livré aux exactions. Ce n’est pas le lieu d’une guerre sainte qui verrait les musulmans (ici exclusivement les sunnites, rappelons-le)  s’opposer au reste du monde, c’est davantage le champ de bataille où des barbares venus du moyen âge s’opposent à l’humanité.
 
Ces derniers jours  beaucoup de rédactions s’interrogeaient sur la diffusion ou non d’images sanglantes venus de ces zones d’affrontement. Le questionnement est légitime pour les hommes d’images. L’homme de plume ajoutera une interrogation sur les termes employés pour rendre compte de ces exactions. Combattants, Etat  Islamique et même Musulmans, ne paraissent pas les termes adéquats.

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