25 mai 2015

Gouvernement Michel : de la tension à la stabilité

Journalistes et commentateurs adorent ça : les anniversaires et les commémorations sont un passage obligé. Rappel des faits, belles photos, interview, temps forts : il s'agit autant de faire revivre un passé proche que d'en tirer bilans et conséquences.
Il y a un an nous votions. Vous votiez, j'en suis fort aise. Et bien analysez, maintenant. 12 mois après la "reine des élections" comme on l'avait appelée, où en sommes-nous ? 

1. Des formations rapides
Entre le scrutin du 25 mai et la prestation de serment du gouvernement Michel le 11 octobre, moins de 5 mois se sont écoulés. On est loin de la crise de régime annoncée. Et en prime pour ce prix-là vous aurez même des majorités régionales. On peut gloser à l'infini sur l'impact d'une majorité sur l'autre, façon l'œuf et la poule. Est-ce parce que le MR s'est senti floué de ne pas monter dans les régions qu'il s'est précipité au fédéral ? Est-ce parce que le PS a senti que le fédéral se ferait sans lui qu'il s'est précipité sur les régions ? Au fond peu importe (mais dis-moi quelle lecture tu choisis et je te dirais quel communicant  t'influence). L'important est là : les pays n'est pas paralysé. Au contraire il fonctionne et même plutôt bien, compte tenu de l'asymétrie des coalitions. Il est sain de constater que les institutions tiennent le coup, et que même la 6ieme réforme de l'Etat s'avère utile puisque d'emblée en application. 

2. Le renouveau du personnel 
On attendait Elio Di Rupo ou Kris Peeters. Ce sera Charles Michel. Deux francophones d'affilée au 16 rue de la loi, une grosse surprise. Un premier ministre jeune, qui n'a jamais été vice-premier mais qui s'installe assez rapidement dans la fonction et dont la popularité va grandissante. Autour de lui une équipe pléthorique de bleus francophones, qui n'auraient jamais pu espérer devenir ministres fédéraux dans une autre configuration. Des ministres NVA, qu'on découvre et que Bart couvre. Et de nouvelles têtes en Wallonie avec Magnette et Prevot dont on saisit bien qu'ils seront la prochaine génération des patrons francophones.

3. Une installation chaotique 
Elle fut homérique. Des propos sur la collaboration ou l'immigration qu'il aurait fallut condamner énergiquement. L'équipe au pouvoir a du transiger, faire semblant de ne pas entendre. Questions de valeurs pour les uns, questions d'inexpérience, de faiblesse, de dépendance ou de tempo pour les autres. On a craint pour la démocratie et la respectabilité du gouvernement. La rentrée parlementaire ressemblait à un tsunami. Les flots ont fini par se retirer. Les costumes (taillés façon short) de Jambon et Francken ont eu le temps de sécher. 

4. La stabilité 
Elle s'installe. Tranquille, Charles Michel tient ses troupes. Le PS et les syndicats ont fait  le deuil d'un gouvernement qui chuterait au bout de quelques mois. L'équipe en place est faite pour durer. Mieux, le retour de la croissance l'aidera à enregistrer des bons résultats. Ça ne se refuse pas. Pouvoir retourner chez l'électeur en annonçant qu'on a créé des emplois est un dopant électoral qui fait oublier bien des tracas. C'est le meilleur ciment qu'une coalition puisse rêver. 

5. Un débat flamando-flamand
Une aile droite (la NVA) et une aile gauche (le CD&V) qui tentent d'imposer leurs marques monopolisent les médias. L'aile droite a pour elle un rapport numérique indiscutablement favorable : 35 députés sur 85, il n'y a pas photo. Ce que Bart veut, sa majorité doit le faire. Côté gauche ont joue du marqueur : on communique beaucoup, surtout avant les décisions, pour bien montrer qu'on pèse de tout son poids et qu'on influe sur le cours des choses. Le seul parti sudiste de la majorité n'a pas de concurrents internes, donc pas de possibilité de débattre (quand on débat seul c'est un soliloque). Quand NVA et CD&V sont d'accord le MR (et dans une moindre mesure l'open VLD) ne peuvent qu' acquiescer. Nous sommes passés des clivages nord/sud et droite/gauche au débat nord/nord et droite/droite. 

6. Le déséquilibre communautaire 
20 députés francophones sur les 85 qui soutiennent le gouvernement. Une rupture majeure. Dans le passé on essayait de constituer une double majorité. On n'y parvenait pas toujours, il a parfois manqué quelques sièges. Cette fois-ci on s'est franchement assis sur le principe. C'est un précédent. La tentation sera grande de le répéter. La Flandre a pris le contrôle du fédéral. Son opinion publique, sous perfusion régionaliste depuis plusieurs décennies, aura beaucoup de mal à accepter un retour arrière et une nouvelle montée en puissance des francophones. Le débat politique, on le répète, se fera désormais entre gens du nord. 

7. L' asymétrie durable
C'est une rupture avec la particratie antérieure. Fini les partis présents à tous les niveaux de pouvoir avec un bureau d'étude qui analyse, un président qui tranche et des ministres qui transcrivent dans leur niveau de pouvoir. On a perdu en cohérence et en centralisme, on a gagné en autonomie. Avec un risque de conflit à la clef. Le fédéral, contrairement aux apparences médiatiques ne domine en rien les régions. En cas d'engueulade dans la cour de récré personne pour dire c'est moi le chef. Et si le conflit perdure, c'est le retour du chaos.  

8.  De nouveaux lieux de pouvoir 
Il faut apprendre à les identifier. Le 16 rue de la Loi bien sur. Charles Michel s'y impose en tant qu'arbitre. Anvers, où chaque sortie du Bourgmestre donne le ton des débats. Namur et Bruxelles où les ministres-présidents régionaux tentent, sans grand succès jusqu'à présent, de se profiler en pouvoirs distincts, à défaut d'être de réels contre-pouvoirs. 

9. La Belgicisation de la NVA
C'est le pari (osé, disons le de tout de suite) de certains partisans de la coalition. A l'épreuve du pouvoir la NVA va se "gouvernementaliser", comprenez devenir un parti comme les autres, amenée de par l'excercie des responsabilités à intégrer les codes du fédéralisme. De même qu'on a vu des hommes politiques très flamands devenir beaucoup plus belgophiles une fois premiers ministres (Dehaene, Verhofstadt, Leterme) la NVA deviendrait plus belge une fois installée dans le salons de la rue de la Loi. La faille dans le raisonnement c'est que Bart De Wever a refusé le poste de premier et que  la NVA était suffisamment forte pour ne prendre que les postes qui l'intéressaient. Le processus de Belgicisation s'applique plutôt à Kris Peeters.... Et il est justement ce que la NVA ne veut pas devenir. 

10. Une opposition qui doit se réinventer 
Un PS tonitruant les premiers mois, désarçonné par l'inutilité de ses attaques. Un nouveau leadership Ecolo en période de rodage. Un CDH qui tente de trouver une partition qui ne soit ni rouge ni bleue. Un PTB qui s'installe dans le paysage. Ajoutez des syndicats qui mobilisent fort mais sans résultats. Le gouvernement Michel ne rencontre pas une si dure opposition qu'il aurait pu le craindre. Surtout, pour s'opposer efficacement il ne suffit pas de dire qu'on est mécontent. Il faut proposer mieux et que ce soit crédible. 

11. Des relations détériorées 
Revanchards, méprisants, agressifs. Entre les partisans de la majorité fédérale et leurs opposants le vocabulaire est choisi. Le divorce est total. On n'écoute pas, on trace, les deux mains sur les oreilles. On ne conteste pas, on invective. Et si on peut marquer son territoire en pissant sur les chaussures d'en face on le fait. En un an rien n'a changé. Nous avons 6 partis francophones à la chambre mais en matière de relations humaines, il y a toujours deux camps. Ils ne sont pas prêts de se rabibocher. Ceux qui pensent que le clivage est conjoncturel, à ce stade, peuvent aller se rhabiller. La question est maintenant de savoir si cela changera. Et si cela sera avant les prochaines élections. 


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